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The cycle diaries

The cycle diaries

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Quelque part, j’étais aussi parti dans ce voyage pour expérimenter et c’est ce qui me poussa fortement vers l’obsession de m’acheter un vélo. Ces voyageurs intrépides osant affronter un continent ou même parfois une planète armés d’un simple vélo m’intriguaient. Et j’en avais rencontré de toutes sortes. Un norvégien aux airs de bassiste hard métal croisé a Téhéran s’apprêtait a traverser le Pakistan pour rejoindre l’Inde. Un anglais de 21 ans rencontré au Kirghizistan me racontai fièrement comment il avait traversé une partie de l’Afghanistan à vélo et survécu aux températures extrêmes des Pamirs en plein hiver. Un couple de cyclistes iranien m’expliquait comment après avoir décidé de voyager autour du monde, elle avait d’abord dû apprendre à faire du vélo en pleine ville d’Istanbul. Deux français, eux, pédalait leurs vélos couchés de France au Vietnam pour aider les enfants atteint de maladie. Tous m’intéressèrent et je ne cessai de me poser secrètement maintes questions sur les détails logistiques d’un tour du monde a vélo. Pourtant, je les questionnais souvent sur leurs aventures mais rarement sur les détails techniques. J’avais déjà décidé qu’il me faudrait tenter l’expérience moi-même.

A Bishkek, la capitale kirgize, je parcourai tous les magasins de vélo que je pus trouver à l’aide de Stefan, un ami allemand vivant sur place. Seulement voilà, le principal obstacle lorsque l’on veut se lancer dans quelque chose de nouveau, c’est nous. On se pose bien trop de questions qui n’ont au final pas tant d’importance. Quel genre de vélo devrais-je acheter ? Waow, c’est pas si bon marché que prévu, peut-être qu’en Chine..? Les roues, du 26 pouces ou 700c ? Si je décide de continuer a vélo, il me faudra aussi acheter une tente, un matelas thermarest, de quoi cuisiner.. au moins me faire des pâtes ! Et où est-ce que je vais mettre tout ça avec mon sac de 35 litres déjà presque plein ? Ca risque de couter bonbon ce bordel… Et où je vais trouver ça ? J’ai pas encore vu de magasins qui vendent… Ok, supposons que je trouve tout et pour pas trop cher, comment je vais charger le matériel sur le vélo ? Il me faut des sacoches latérales, c’est ca, oui des sacoches latérales. Aaaah ???! Quoi 150$ la sacoche !? Mais pourquoi c’est aussi cher ces truuuuuucs… (là, on ne pense qu’à s’endormir pour oublier tous les détails qui nous sont venus a l’esprit, oublier et tout reprendre a zéro… un vélo, juste un vélo…)

Ensuite, il y les autres qui viennent nous poser d’autres questions auxquelles on n’avait pas pensé et cela pour une bonne raison, on n’y était pas encore. Mais eux, ils s’en foutent et y viennent carrément de leur : C’est pas pour te décourager mais… Tenez, un soir d’hiver, j’étais assis au bar dans un bistro de Bishkek, profitant d’une trop rare bière et discutant avec Giom, français, la trentaine, cheveux grisonnants et sûr de lui. Avec Félix, un ami espagnol, ils avaient pédalé de la France au Kirgizstan en vélos couchés pour un projet humanitaire visant à aider les enfants malades. Ils s’étaient arrêtés à Bishkek pour passer l’hiver au chaud, louant un appartement pour quelques mois, avant de continuer leur voyage jusqu’au Vietnam où ils pourraient enfin se libérer de leur sièges ambulants. Ce soir là, la bière était plutôt bonne dans cet atmosphère exaltante où toutes sortes de voyageurs s’étaient rassemblés. Je me sentais bien dans cette ambiance de conteurs et autres troubadours modernes. A vrai dire, je n’avais pas grand chose d’autre à faire en attendant mon visa pour la Chine que d’écouter les histoires de voyageurs où il m’arrivait parfois même de glisser une ou deux aventures. Soudain, encore enthousiasmé par mon nouveau projet, je lâchai maladroitement une phrase ou deux dans la conversation à son sujet.

Tu sais, c’est pas pour te décourager mais tu te rends pas compte dans quoi tu te lances. La Chine, c’est énorme ! Et puis il faut traverser tout le désert à l’ouest. Même Felix et moi, avec toute l’expérience qu’on a du vélo, ça fait un moment qu’on la redoute cette étape…

Y avait pas de quoi me décourager. Je hochais la tête, laissant paraitre un sourire à l’allure impertinente. Pourtant, ce sourire signifie autre chose, il montre mon calme face au défi physique quel qu’il soit. Ce qui m’inquiète est tout autre et j’aurais apprécié quelques encouragements ou conseils sur la façon de se procurer un vélo en plein milieu d’un voyage. Pourtant, il me fallait faire face a la réalité, personne autour de moi n’avais ce genre de connaissance. Leurs vélos était conçu spécialement pour le Touring, ils venait de France, d’Angleterre ou de Corée du Sud. Je dus oublier mon idée de vélo pour un moment car je ne trouvai rien de satisfaisant. Et puis mon visa pour la Chine était prêt.

Ailleurs, une autre idée me rongeait, cela faisait depuis l’Iran que je pensais à tenter de traverser le Tibet illégalement afin de me rendre au Népal puis en Inde. Ensuite, j’aurais eu d’autres problèmes à résoudre mais j’aime bien la difficulté, ça me motive. Le vélo aurait donc rendu cette tentative de traversée du Tibet excitante, au plus près des expéditions que je recherche et en plein cœur de l’Himalaya. Mais croyez-moi ou non, je n’étais pas le seul a y avoir pensé. Giom et Felix pensaient tenter le coup depuis Golmud (la route centrale) et Jude se lancerait directement sur la route de l’ouest depuis Kashgar (extrême ouest de la Chine). Sans vélo, je décidai donc de tenter le train reliant Xining à Lhassa. C’était l’option la plus viable qu’il me restait. Malheureusement, rien ne se passa comme prévu et je dus me trouver d’autres desseins (voir « Le Taklamakan c’est désert »). Jude, lui, se lança au bon moment sur la route reliant le Xinjiang au Tibet et traça sa route a travers les nombreux checkpoints jusqu’à Lhassa puis Kathmandu. Quant a Giom et Felix, ils furent malheureusement interceptés et renvoyés en Chine d’où ils continuèrent leur pérégrinations vers le Vietnam.

Xinjiang, Gansu, Sichuan, Yunnan, la Chine fut surprenante et j’oubliais rapidement mon échec tibétain. Ce n’est pas pour autant que s’effacèrent ces idées démentes qui secouent le voyage, le rendent plus intéressant. Mais la Chine ne m’offrit pas vraiment d’opportunités de trouver un vélo et je décidai de chercher quelque chose d’autre, quelque chose auquel j’avais maintes fois pensé depuis mon départ. Voyager à moto me semblait offrir tout autant de liberté qu’à vélo bien qu’il m’était difficile de céder la part d’effort fourni qui apporte toute la satisfaction au cycliste. Hanoi serait ma chance de trouver une moto et je ne la manquerai pas. Il y avait dans la capitale vietnamienne, un impressionnant marché de motos à faible cylindrées, idéale pour passer les frontières d’Asie du Sud-Est. C’est comme ca que, quelques jours après être entré au Vietnam par le nord, j’eu en ma possession une Honda Win 110cc racheté à un voyageur israélien dans les vieux quartiers de Hanoi. Cette moto me fit oublier le vélo l’espace d’un instant.

Libre comme le vent, je pourfendis le nord du Vietnam puis, avec Victoria qui m’avait rejoint en route, le Laos de haut en bas. La moto me permis de me rapprocher de la population locale, me forçant parfois a dormir dans de petits villages chez des gens dont il fallait tenter de jauger l’honnêteté tant bien que mal. Toutes sortes d’expérience s’ensuivirent alors que je traçais ma route au sud. De nombreuses haltes chez les mécanos me firent passer plusieurs niveaux en mécanique moto. Je crois que j’en héritai finalement une obsession pour cette maudite bécane. Ne pourrait-elle jamais à nouveau tourner rond !? Les routes délabrées du nord vietnamien l’avaient bien trop secouée et ce fut presque une bonne chose, finalement, que je dus m’en séparer a la frontière cambodgienne. Pour cause, un officier de la douane cambodgienne au paroxysme de l’indolence me refusa le passage de mon véhicule sans même lever les yeux de sa partie de Tetris pressant calmement sur l’écran son téléphone. Il aurait au moins pu mettre pause ce con ! Rien n’y fit, surtout pas lorsque je m’énerverai n’ayant pas peur de lui faire savoir tout le mal que je pensais de lui. Game over. Je vendis ma moto a un chauffeur de bus crapuleux passant par là et s’en fût fini de sillonner les routes comme un truand. Ou du moins pour un moment.

Avec Vickie, nous formions dorénavant une nouvelle équipe et décidâmes d’enquêter sur les temples hindouistes de la cité d’Angkor. Apres avoir survécu de justesse à une tempête de l’Océan Pacifique sur l’île de Koh Chang en Thaïlande, nous dûmes nous séparer à nouveau pour quelques temps. Une fois de plus, je me retrouvai seul sur la route. Et c’est comme ça, autant que je m’en souvienne, qu’une idée à deux roues refit son apparition dans mon esprit.

À suivre…