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Le monde sauvage de l'Afrique

Le monde sauvage de l'Afrique

Le monde sauvage de l'Afrique

Parc National du Sud Luangwa, Zambie

Le soir, seul dans ma voiture-lit, j’écoute Sadhguru me faire la lecture de son livre Inner Engineering: A Yogi’s Guide to Joy. J’écoute avec intérêt ce vieil hindou me raconter comment, dès son plus jeune âge, il se posait beaucoup de questions. Tout comme moi, il portait un fort intérêt au phénomène étrange de l’existence. A une particularité près alors qu’il observait le monde au lieu de se demander pourquoi? Il se posait sans cesse la même question: comment?

Une des raisons qui m’amenait si loin en Afrique était l’idée que je pourrais voir des animaux majestueux dans leur habitat naturel. Et c’est en Zambie dans le parc national du Sud Luangwa que je vécu pour la première fois cette expérience incroyable qu’est de se retrouver seul en pleine immersion dans la forêt africaine. En saison des pluies, tout est vert, les hautes herbes rendent les animaux plus difficile à voir mais en contrepartie il y a bien moins de visiteurs. De nos jours, tout le monde veut être au meilleur endroit au meilleur moment pour avoir la meilleure expérience. J’étais simplement heureux d’être arrivé là par moi-même et d’avoir la chance de pouvoir explorer cette région sauvage. La pluie avait rendu la plupart des chemins secondaires boueux, il fallait donc faire preuve de vigilance et de discernement quant au choix des chemins à emprunter. J’étais parti à 7h du matin du magnifique camp au bord de la rivière Luangwa où j’ai laissé patauger les hippopotames. Le ciel était clair et une belle journée s’annonçait. Au bord de la route apparurent d’abord, comme souvent, les antilopes puis les zèbres. Bientôt, je vis une voiture safari arrêtée sur le coté ses passagers silencieux faisant retentirent le déclic de leur appareils photos. Un lion faisait sa sieste couché sur le chemin avec, un peu plus loin, une lionne. Je me mis à la suite des voitures safari ayant une vue sur le dos du lion qui ne bougeait pas et plus loin sur la lionne. Tout deux semblaient s’être accordé de faire semblant de dormir. Après quelques minutes, les voitures des guides s’en allèrent alors que d’autres arrivèrent et je décidais de laisser les deux stars du jour un peu tranquille. Alors que je reprenais ma route, des pensées m’envahirent: “Marc, combien de fois verras-tu un lion ou une lionne dans ta vie? Tu n’étais même pas bien placé pour le voir et encore moins pour prendre une bonne photo. Tu devrais peut-être y retourner.” Sur cette réflexion, je fis demi-tour et à ma grande surprise toutes les voitures des guides étaient parti continuer leur safari. Profitant du fait que le chemin était libre, j’avançais gentiment pour me mettre à égale distance entre les deux fauves et coupais mon moteur. L’un comme l’autre semblait se réveiller et, curieux de ma présence, se mirent à lever leur têtes et m’observer. Les fenêtres ouvertes, je me demandais soudain si l’un deux pouvait bondir et être sur moi avant même que j’ai eu le temps de lever le doigt pour atteindre le bouton de fermeture des vitres. Les touristes sur les voitures safari sont assis à un mètre du sol, tout ouvert, et l’humain n’est pas le repas favori des prédateurs mais tout de même, les avoir là si près, l’un de chaque coté, est impressionnant.

Lion South Luangwa Zambia

Lionness South Luangwa Zambia


Je reprends ma route jusqu’à atteindre une plaine non loin d’un point marqué Big Baobab sur la carte. Un guide et son groupe sont en train de pique-niquer et j’en déduis que c’est un bon coin pour manger une morce et me faire un café. De la fabuleuse équipe rencontrée à Nairobi et avec qui nous avions traversé le Maasai Mara, je retiens parmi tant de choses, de Pierre qu’il faut se lever tôt pour augmenter ses chances de voir des animaux et de Brett qu’une plaine a l’avantage de donner la visibilité à 360° sur la faune qui pourrait surgir. Bientôt, je me retrouve seul avec mon café et un nouveau moment magique s’offre à moi. A quelques mètres seulement, deux éléphants s’approchent l’un de l’autre, on dirait qu’ils vont s’affronter. Pourtant après quelques pas d’hésitation, leurs têtes se lèvent et ils joignent leur trompe comme pour se saluer. Le décor est fantastique et ce sera définitivement une de mes plus belles photos. Il y eu maintes et maintes autres rencontres ce jour là avec des hippopotames, des giraffes et même un caïman.

Elephants South Luangwa


Au village de Kakumbi, se trouve un petit café nommé Project Luangwa où l’on peut y boire un bon café et y manger un sandwich avec du pain fait maison, tout ceci étant plutôt rare pour la région. C’est là que j’y rencontrais Lazaras. Je discutais un peu avec lui alors qu’il enfournait ses pains. Il m’expliqua comment il avait eu son premier travail ici où il avait commencé simplement par s’occuper des plantes, puis par se former pour utiliser la machine à café pour enfin proposer au gérant de faire son propre pain. Lazaras était un homme bon, je le sentis très vite. Il m’offrait tantôt un croissant ou un pain et je revins chaque jour pour y boire un café, lire ou méditer. Durant mes voyages les cafés ont toujours été mes pit stops préférés où reposer mon âme et mon esprit. Malheureusement ils ont été bien rare sur ma route à travers l’Afrique et je dus trouver d’autres moyens de reposer tout ça. Je montrai la photo du lion à Lazaras puis, le dernier jour, il me souhaita bonne route.

A peine sorti du village, sur la piste ondulée qui fait trembler toute la voiture, j’entendis un bruit sourd comme si quelque chose de lourd était tombé sous le capot. Et puis impossible de continuer à rouler, il était évident que le Duster souffrait à chaque tour minute. Je soulevai le capot et ne vis rien de particulier, ah si, un boulon posé là sous la batterie. Il avait bien dû se détacher de quelque part mais je ne trouvais pas d’où. Je réfléchis, me couchais sous la voiture pour regarder par dessous, puis à nouveau par dessus, je me penchais perplexe sur le moteur. Décidément je ne vois rien mais il me semble que la courroie de distribution touche quelque chose car j’entends un bruit métallique de ce coté là. Un homme s’arrête pour m’offrir son aide et m’explique qu’il connait un mécanicien qui peut-être serait en mesure de m’aider. Depuis le Kenya, je me méfie des “mécaniciens qui peut-être serait en mesure de”, je lui fait donc une contre proposition. J’ai un ami au café Project Luangwa qui pourrait m’aider si seulement je pouvais pousser la voiture jusqu’à lui. Ce n’est pas très loin peut-être 500 mètres. Gentiment il accepte de m’aider à pousser et tout de suite des enfants se joignent à notre jeu. Finalement, un guide de safari propose de nous tirer et ma vieille corde d’escalade fait encore une fois bien l’affaire. Lazaras n’y connait pas grand chose en mécanique mais il appelle quelqu’un. C’est un mécanicien qui travaille sur les voitures de safari et, après lui avoir montré où j’avais trouvé l’écrou, il trouve rapidement le problème. L’écrou s’étant dévissé avec les vibrations, la boite à vitesse était tombée sur la plaque de protection moteur et effectivement une partie de la courroie de distribution touchait le châssis, mieux vaut donc ne pas allumer le moteur. Je me demande d’ailleurs si les mécaniciens de Marsabit n’ont pas oublié quelques points de fixation en me remontant ma boîte à vitesse car il me semble étrange qu’elle ne tienne qu’à un fil. Enfin.

Les mécaniciens de la flotte du parc national tirent le Duster jusqu’à leur fosse et remontent ma boîte à vitesse en faisant levier depuis le dessous avec un bout de bois. Ils me revissent l’écrou à bloc et tout est réglé en moins de quinze minutes (depuis j’ai ajouté un contre écrou et je vérifie régulièrement que tout est en place). Ils me demandent 60$. Ca me parait beaucoup vu le travail effectué mais bon il m’ont sorti du pétrin rapidement et ça, ça compte aussi. Je négocie une ristourne de 20$ car de toute manière je n’ai pas assez de cash sur moi et retourne voir Lazaras. Il me dit que j’ai payé trop cher et m’offre un café à l’emporter. Cet homme est vraiment bon. Je lui réponds que je suis content que mon problème ait été si vite réglé et que par conséquent je ne me sens pas volé. Je le remercie abondamment et prends finalement la route pour Livingstone.

Ce n’est que plus tard que je me mis à écouter Sadhguru par curiosité pour l’idée que l’on pouvait trouver de la joie à l’intérieur de soi indépendamment des circonstances extérieures. Je me sentais intrinsèquement heureux et serein. J’allais bientôt atteindre le sud de l’Afrique et tout autour de moi était source d’émerveillement pour peu que je sache y porter mon attention. Où irais-je ensuite ? Peu m’importe aujourd’hui.


“ Alors, j'ai mis à la « cape morale » en attendant. C'est en lisant Monfreid, tout gosse, que j'avais appris ce truc de la cape morale : ne plus penser, ne plus agir, ne rien décider, laisser faire le temps qui apaise tout. Le point, la tambouille, une bonne tambouille soignée, en bavardant avec le réchaud et les casseroles, en leur demandant des tas de conseils, de longues siestes, de bons bouquins, me rendormir après quelques pages, monter trois ou quatre fois par jour en tête de mât pour chercher les icebergs inexistants et contempler l'immensité, mon yoga matin et soir… que j'oubliais de temps en temps… Ne penser ni à Plymouth, ni au Pacifique, ni à rien. ”
– La longue route, Bernard Moitessier