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Où on passe le cap des 25, on croise des cons et on se perd dans le nord du Việt Nam

Où on passe le cap des 25, on croise des cons et on se perd dans le nord du Việt Nam

Où on passe le cap des 25, on croise des cons et on se perd dans le nord du Việt Nam

Ce matin, c’est d’un pas décidé que je me rendais à ma cantine préférée pour m’offrir un succulent ‘Bun Cha‘. Pas de chance, il est midi et ils ont déjà fermé boutique (oui parce que y en a qui pensent que le bun cha ne se mange que le matin tandis que d’autres me font le plaisir de le vendre toute la journée). Quelques minutes plus tard, attablé un peu plus loin dans cette bourgade du nord vietnamien « Ha Giang » :

- Where are you from ?
– Switzerland
– (…)
– Swi-zer-land! It’s next to France you know, fa-gua.. [miming bordering countries with hands]
– (…)

J’essaye donc d’ouvrir Google Map sur mon nouveau smartphone chinois afin de lui montrer une carte mais il a décidé de m’emmerder, c’est lent, ca fonctionne pas. Bref, je m’enerve. Je tente encore un peu usant de la vieille méthode puisque c’est quand même comme ça que j’ai commencé ce voyage mais rien à faire, il pige pas. Je me dis que c’est bizarre car il a pas l’air con.. Et puis faut pas oublier que tous les Vietnamiens savent où est la France étant donné que les frouzes sont venus les emmerder y a pas si longtemps de ça… J’abandonne un peu l’idée de l’instruire en matière de géographie et me concentre sur le fait qu’aujourd’hui c’est mon anniversaire. Oui bah j’ai 25 ans, j’ai pas fait exprès, ça m’est tombé dessus j’ai rien pu faire. Du coup, je me lance courageusement dans une réflexion sur ma vie que je vous épargnerai afin d’éviter de vous filer un mal de crâne. J’étais plutôt content du chemin parcouru et, du moins ces derniers jours, j’avais l’impression de savoir ce que je voulais faire de ma vie ce qui me rendait incroyablement heureux. Seulement voilà, une question me tarabustait : « Comment se fait-il que l’être humain soit si doué pour se trouver des excuses rationnelles afin de ne pas passer à l’acte, maintenant, tout de suite, dans le moment présent ? »

Il se trouve qu’on est les champions en matière de création d’excuses a première vue plausibles. Regardez, moi par exemple, ca fait des semaines que je voulais écrire un article. D’abord, je me suis dis que je le ferais « dès je trouve une guesthouse avec accès à un clavier d’ordinateur ». Seulement voilà, pas croisé un ordi en deux semaines. Ensuite, je me suis dit « allez Vickie vient le 28 avec son macbook du coup je pourrais bosser comme un fou ». Faux, faux, archi-faux! Au fond de moi, je sais très bien que quand elle sera là le dernier truc dont j’aurais envie de faire c’est de pointer mon nez sur un écran pendant des heures. Alors voilà, conclusion du jour : « On est des billes et puis c’est tout ! » Et moi le premier… Pour fermer la parenthèse, c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de passer ma journée d’anniversaire dans un cyber café a 20 centimes de l’heure (si j’avais su!!!) avec des ados qui poussent des cris de guerre tout en martyrisant la souris d’ordinateur dans le dernier MMORPG à la mode (oui bah la réalité est toujours plus dure que la fiction ^^). Pourquoi sacrifier ma journée d’anniversaire de manière si brutale ? Tout simplement car je sais que, ce soir, je serai fier d’avoir fait un pas de plus vers mon rêve car autant étrange que ca puisse paraitre, bien que n’étant qu’une miniscule partie de celui-ci, elle a toute son importance.

—> Commencez à lire ici si vous n’en avez rien à secouer de mes réflexions à la noix .)

Ils m’avaient tous dit qu’au Vietnam on essayerait de m’arnaquer a tous les coins de rue et qu’il fallait surtout bien se renseigner sur les prix sous peine de se voir charger le quintuple. C’est donc un Marc tout parano qui s’avancait lentement sur le pont séparant Hekou (Chine) de Lao Cai (Vietnam). Le passage de frontière le plus rapide de l’histoire, deux tampons, pas un sourire et 15 minutes de ma vie s’éclipsèrent. Sachant que je m’apprêtais à mettre en action mon plan machiavélique (acheter une moto à Hanoi et m’offrir un semblant de liberté), c’était peu cher payer. Ridicule le type qui ose a peine s’acheter une bouteille d’eau a deux doigts de mourir de soif par peur de se faire arnaquer 3,50 $ (je m’étais fait soutirer 10 centimes en réalité, faut pas exagérer). Je fonce donc à Hanoi le soir même, impatient et enthousiaste comme à mon habitude, avec une seule idée en tête : m’acheter une Honda Win 110cc. C’est ce qui se vend par là-bas mis à part une Suzuki que personne ne pourra réparer en dehors du Vietnam car il n’ont pas les pièces ou une Minsk carrément démodée. Je liquide l’affaire en une journée et parvient à me procurer des portes bagages latéraux pour trente dollars afin de transporter nos deux backpacks lorsque Vickie viendra. Euphorie!! Reste plus qu’à passer la frontière! Là dessus on me décourage une fois de plus en me disant que « c’est im-po-ssible! parait que y en a ils ont essayé bah on les a jamais revus ». Je fais moins le malin parce que c’est vrai que je m’étais renseigné un peu vite et puis quelques recherches sur Internet me mènent effectivement vers quelques récits d’échecs ! Et merde quel rabat joie l’autre.

Laissez moi vous dire que c’était un con. C’est fou ce que ça abonde les cons ces temps ci. J’ai trouvé en cherchant un peu mieux que c’était tout a fait possible mais que le pourcentage de réussite dépendait grandement du poste frontière que l’on s’apprête à traverser, de la patience dudit courageux bonhomme, de la bonne volonté du type d’en face, de l’âge du capitaine, de la force du vent et j’en passe… Donc voilà, je vais tenter le poste le plus au nord près de Dien Bien Phu (pour ceux que ça intéresse il vaut mieux tenter a l’extrême nord ou alors tout au sud.. oubliez tout ce qu’il y a entre deux). Dans la frénésie de l’action et aussi un peu parce qu’après avoir tout plié en deux jours je ne suis pas le plus frais des types, j’en oublie les règles de bases et me trimbale avec 6’000’000 de dong (env. 300 $) sur moi. Oui bah les deux poches de mon short sont trouées et il fait trop chaud pour porter une veste du coup j’ai ma bourse dans la poche latérale de mon short. Deux jours plus tard, je me rends compte que 3 millions de dongs on mystérieusement disparus..! Je ne m’énerve même pas (après tout, ce n’est que de l’argent) pourtant j’aimerais bien élucider le mystère.. Ah oui et au passage je me félicite de faire – encore! – des erreurs aussi stupides. Aujourd’hui je ne suis encore sur de rien mais il est très probable qu’une main avide se soit promenée dans mon short alors que j’étais sous la douche. Et en général, ce genre d’acte est commis par quelqu’un qui connait l’emplacement dudit porte-monnaie et qui a accès à la chambre. Je pense franchement que la femme de ménage ne l’aurait pas fait étant donné la réputation de la guesthouse ce qui nous laisse avec les colloc’. Sur le tas, y en a deux dont je suis certains qu’il ne me ferait jamais un coup pareil, y a pas plus réglo que Niko le norvégien et la canadienne dont j’ai oublié le nom. Reste plus que les deux israeliens… Laissons les mauvaises blagues sur les juifs de coté mais j’avais un mauvais pressentiment avec eux dès le début. Il partent le soir même et je ne tente rien mis a part que j’annonce bien a tout le monde que 3 millions de dongs se sont envolé de mon porte-monnaie tout en scrutant les réactions :« Somebody took money in my wallet.. 3 millions.. I need to count again but I’m pretty sure ». Bizarrement le seul qui l’ouvre est l’un des deux pour dire d’une voix peu assuré : « Ok so count it here« . Les autres sont trop occupés a assimiler le truc. C’est tout élucidé! Qu’il partent la conscience agitée et l’esprit tourmenté, ca ne vaut pas le coup de remuer tout le bâtiment pour un peu d’argent.

Je me lance donc à l’assaut du nord sur ma moto super chouette (comme dirait Renaud). Première étape : les îles Cat Ba. J’y arrive en pleines vacances vietnamiennes avec pas un hotel a moins de 20$ et je décide donc de dormir sur la plage refusant même une proposition de dernière minute pour 6$. Oui je suis têtu, surtout quand j’ai décidé de partir à l’aventure ! Il faut pourtant dire que dormir sur la plage sans sac de couchage (juste un drap de soie) et des moustiques qui vous piquent (même au travers), trempé de transpiration, tout collant… c’est pas le top de l’aventure. Parce qu’il ne faut pas confondre aventure et situation merdique ! Pour moi l’aventure c’est l’homme face au défi, avec une part de risque, hors de sa zone de confort et mettant en action sa volonté afin de traverser l’épreuve. Se faire bouffer par les moustiques couché sur une plage c’est tout simplement de la stupidité (même si je ne le regrette pas). Mettez y une tente ou une moustiquaire et on pourra peut-être reconsidérer l’histoire…

Ce qui m’arriva ces derniers jours, ça c’est de l’aventure ! mais je vous le raconterai une autre fois parce que là il est déjà bien long mon article et puis comme dirait Walt Whitman :

I swear I see what is better than to tell the best.
It is always to leave the best untold…

- Walt Whitman