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Marc, vodka! ..et autres emmerdes (1/2)

Marc, vodka! ..et autres emmerdes (1/2)

Marc, vodka! ..et autres emmerdes (1/2)

26 décembre 2012 – 06h47 – Mashad, Iran

You didn’t wake up! .. Let’s have a quick breakfast and you should go!

Ho encore manqué ce foutu réveil !!! Y a un seul jour ou il faut vraiment que je me lève, histoire de passer la frontière Iran-Turkmenistan le plus tôt possible et j’en suis même pas capable. Dire que j’espère tracer ma route jusqu’au Japon.. va falloir se ressaisir ! En attendant, pas de noël pour moi cette année. Juste un visa de transit de trois jours pour le turkmenistan en guise de cadeau et le départ est fixé à aujourd’hui. J’engloutis un semblant de déjeuner avec Vali qui a toujours cette fascinante habileté à avaler quoi que ce soit en moins de trois secondes. Puis, il est censé m’expliquer comment me rendre à la frontière en utilisant les bus – parce qu’il n’y pas moyen que je paye une fortune pour y aller en taxi ! Lorsque je pousse la porte, un étrange paysage urbain s’offre à moi : tout est blanc ! C’est la sibérie là dehors, il neige déjà depuis quelques heures apparemment. Voila donc l’hiver tant redouté… Ah ! Nous verrons bien ce qui m’attends.

Vali m’explique comment arriver jusqu’au terminal de bus, d’où je pourrai prendre celui qui devrait se rendre tout près de la frontière. Ensuite, il ne me restera plus qu’à la traverser à pied. Parfait ! Je l’ai déjà fait pour entrer en Iran, ca ne devrait pas être trop difficile. Ce matin là, je me souviens d’avoir attendu 1h dans le terminal, à lire le récit de l’expédition « Latitude Zero » de Mike Horn, avant que le bus ne daigne démarrer. Si j’ai bien compris, c’était à cause de toute cette neige qui ne cessait de tomber. Un jour blanc. Voila ce que c’était. J’étais dans ce bus et je commencais a me rendre compte que tout était blanc, même l’intérieur du bus était vêtu de blanc et le moindre regard à l’extérieur ne donnait que sur un univers de blanc. Il y avait ce jeune garcon, assis un peu en avant de moi, qui n’arrêtait pas de me jeter des regards curieux. Il était habillé comme un afghan avec un large pantalon blanc et des chaussures en pointe. Du moins c’est ce que je croyais jusqu’à ce qu’il ne m’apprenne qu’il était iranien, probablement des habits traditionnels persans que je n’avais encore jamais vu. Ce voyage m’ayant délesté de cette gêne absurde que l’on a trop souvent, je lui tends le paquet de fruits secs que m’avait donné Vali. Ce qu’il refuse d’un hochement de tête. Aouch! Le dépit me renvoit à ma lecture… Quelques minutes plus tard, je pose le livre sur le rebord faisant office de table afin de me perdre dans mes pensées, comme j’aime bien le faire. Le gamin se retourne et pose la main sur mon livre tout en me fixant d’un regard interrogateur. C’est à mon tour d’hocher du ciboulot, en signe d’approbation. Après quoi, il me pique mon livre pour le feuilleter et le retourner dans tous les sens, apparemment très curieux. C’est en francais mais il y a bien quelques photos de Mike Horn en plein milieu, je lui indique donc la page. Plus tard, ayant compris la tactique, je sors mon ipod et fais mine de l’utiliser pendant 2 minutes puis je le pose également sur le rebord. La musique dans les oreilles pour les heures qui suivèrent, je ne le revis plus avant le terminus… Sarakhs, tout le monde descends.

Je débarque dans une blancheur éclatante, les flocons ne cessent de tomber du ciel mais je n’ai surtout pas la moindre idée d’où je me trouve. C’est là que je vais devoir poser cette question ridicule : Turkmenistan kojast? Oui, je suis a pied et je viens bien de demander a un passant dans quelle direction se trouve le Turkmenistan. Mais on m’indique la route ce qui est plutôt amusant. Je me mets a marcher d’un pas enthousiaste en direction du Turkmenistan, frontière que j’atteindrai vers 13h30, c’est-a-dire apres environ 20 minutes de marche dans la blancheur de l’hiver. J’ai le sourire aux lèvres. Pour je ne sais quelle raison, je ne suis pas nerveux cette fois ci. Pourtant, je me souviens de cette phrase inscrite dans mon carnet tel l’enseignement d’un vieux sage :

« come early to borders »

Et j’allais découvrir pourquoi… Je ne sais pas comment vous vous imaginez une frontière mais personnellement, avant que j’en traverse une par mes propres moyens, je voyais ca comme une douane. Une barrière à franchir et puis c’est tout. Eh bien il manque quelques détails à cette belle image! Il faut s’imaginer une première barrière pour sortir du pays, en l’occurence l’Iran, où l’on me demandera de montrer le contenu de mon sac et où on prendra son temps avant de mettre le tampon de sortie sur mon passeport. A ce moment là, vous aurez déjà montré votre passeport à quatre policiers minimum. Allez savoir pourquoi mais tout le monde semble subitement s’intéresser à votre cas. Ensuite, il faut traverser le « no man’s land », cette zone entre deux frontières ou rien ni personne ne vit, si ce n’est quelques chauffeurs de camion endormis par la lenteur de la file d’attente. Parfois je traverse cette zone à pied (parce que c’est marrant et j’aime bien faire ca) mais la plupart du temps, il y a une sorte de navette, payante bien sûr, qu’il faut utiliser. Enfin, on s’apprête à entrer dans le pays suivant et à nouveau : contrôle des passeports par divers officiers, tampons d’entrée, paperasse destinée a déclarer la quantité de cash que l’on s’apprête a faire entrer dans le pays (pour le Turkmenistan et l’Ouzbekistan) et contrôle des baggages. Coté turkmen, je me serais cru en pleine Russie vu l’incapacité des officiers a parler autre chose que turkmen ou russe. Mon niveau de russe étant encore proche de zéro et puisque personne ne semblait vouloir m’aider (ce qui fait un peu bizarre après un mois et demie en Iran), ma stratégie consista à me tenir en plein milieu de la salle avec mon sac a dos afin de bien bloquer le passage. Cela peut paraitre ridicule mais ce fut efficace et je suis persuadé que si je m’était sagement assis quelque part en attendant qu’on me rapporte mon passeport avec un tampon, j’y serai encore. Passé la dernière barrière, je me retrouve en pleine sibérie, il neige toujours, le vent se lève et la nuit tombe. Il est déja passé cinq heure et je ferai mieux de me dépêcher.

Il n’y avait presque personne, juste deux types avancant entre les camions et discutant allègrement en turkmène. Sans trop savoir pourquoi, je me mis à les suivre et puis il me fallait prendre une décision rapide sous peine de rester planté là, tout seul dans la neige à ne savoir que faire. J’engage donc la conversation tout en faisant bien attention à mentionner la ville où je souhaite me rendre : Mary. Ne vous inquietez pas si ce nom vous rappelle quelque chose, ce genre de coïncidence m’arrive si souvent que je n’y fais meme plus attention. J’ai beaucoup de chance, ils parlent un poil d’anglais et surtout, ils habitent Mary. Je vais donc pouvoir partager un taxi (ce sera 23$ au lieu de 70$ si j avais été seul.. Et capable de négocier comme un turkmen dans son propre pays, ce qui m étonne fortement). C est beaucoup d’argent mais je n’ai pas vraiment le choix! Bien sûr je pourrais faire de l’autostop de camion (comme je l’ai déjà fais a Yazd) mais vu le blizzard dans lequel je me trouve, il y a plus de chances que je finisse transformé en glaçon le pouce en l’air qu’autre chose. Mes inquiétudes venaient donc de se concrétiser : voyager en hiver coûte cher! Vers 21h, on n’était toujours pas arrivé et ils décidèrent de s’arrêter manger dans une sorte de restau-route. J’ai assez vite compris que le choix se limitait à savoir quelle boite de « viande » (?) en conserve allait être transformée en soupe. Oui de la soupe avec des morceau de viande ou le contraire, je sais plus trop. Je fais jamais le difficile avec la nourriture alors pas de problème, envoyez la soupe! Ils ont choisi la boite avec une tête de vache dessus et je me souviens avoir souri en pensant que ca ressemblait étrangement à une boite de vache-qui-rit sauf que c’etait de la viande en conserve. En attendant, le tenancier coiffé d’un de ces gros chapeaux russes s’amusait à nous faire des tours de magie avec un magazine. Du style : je l’ouvre, c’est plein de textes et d’images, je le referme et je l’ouvre à nouveau, oh, c’est tout blanc! J’ai pas trop pigé mais j’étais plutôt concentré sur le fait qu’il avait pas l’air bien dans sa tête mais bref. Ensuite, un des types revient du comptoir, une bouteille de vodka à la main et la pose sur la table tout en prononçant cette phrase qui deviendra par la suite plutôt populaire dans le taxi : Marc, vodka!

Je vous laisse imaginer la suite. C’était passé minuit quand on arriva (enfin) à Mary et j’étais assez fier de moi car j’avais réussi à ne pas finir complètement bourré. Voulant éviter de dépenser encore plus d’argent et parce que je ne voyais pas l’intérêt de tenter un check-in à une heure pareille, je décidai de prendre le train directement jusqu’à turkmenabat. De tout manière mon visa de transit ne dure que trois jours, il n’est donc pas question de faire du tourisme par ici. On me dépose à la gare. Un des types voulait m’aider à attraper un ticket pour le prochain train mais une horde se presse contre le seul et unique guichet. Il n’y même pas de file, juste un attroupement de personnes pressant de toute part afin de pouvoir acheter leur billet. Devant un tel spectacle, mon précieux interprète décide qu’il est trop fatigué et, après avoir averti un policier de ma destination, me laisse planté là! Ouais décidemment, je ne suis plus en Iran.. Cela va sans dire que le policier s’en fout pas mal d’où je compte me rendre, même pas sûr qu’il ait compris ce qui lui arrivait. J’attaque donc la masse avec ce désagréable sentiment de ne pas avoir la moindre idée de ce qu’on est en train de faire. C’est alors que miracle un type qui a l’air sympa semble s’intéresser à mon cas. Il doit avoir 20ans, s’appelle Nurick et me convainc de monter dans le train avec lui, me faisant comprendre qu’il n’y a pas moyen d’obtenir les tickets a temps de toute façon. Trop content d’échapper à mon triste sort, je monte dans le train sans ticket. Quand le controlleur se pointe, chacun donne quelques Manat à la place de montrer son billet et je lui file 5$. Facile. C’est parti pour 10h de train sans place assises ni couchettes puisque pas de billet. Nurick m’a l’air plutôt sympa et commence a me parler de filles, de jacuzzi et de vodka (encore). Il ne parle pas vraiment anglais mais c’est l’occasiom de prendre un cours de Russe accéleré!

En route pour Turkmenabat avec un jour d’avance sur le planning, je laisse simplement filer les heures, assis sur mon sac, mon pull en travers de la figure, m’assoupissant de temps à autre pour quelques minutes avant de revenir a la réalité.

Ce qui arrivera par la suite vous sera conté dans la deuxième partie…